Ligne nouvelle Lausanne–Berne

Les rappels chronologiques suivants sont dus à Vincent Krayenbühl, ancien directeur de la Direction générale de la mobilité et des routes de l’Etat de Vaud, que nous remercions pour sa fructueuse collaboration.

Horaire cadencé, nouvelles transversales ferroviaires (NTF) et concept Rail 2000

L’horaire cadencé a été introduit le dimanche 23 mai 1982 par les CFF et les chemins de fer privés. Le concept Rail 2000 fut initié par les CFF en 1984 à la suite des réactions négatives suscitées par le projet des nouvelles transversales ferroviaires (NTF), présentées dans le rapport de décembre 1977 de la Conception globale suisse des transports (CGST). Outre les oppositions locales contre les impacts des tracés envisagés, la majorité des cantons avait critiqué la concentration des moyens financiers sur le seul Plateau, au détriment de l’ensemble du territoire suisse.

Projet des nouvelles transversales ferroviaires (NTF): variante finale VF-2 en T inversé (décembre 1977) combinant les deux axes Genève–Saint-Gall–Altstätten et Bâle–Olten; contrairement à cette figure, tirée de la CGST, le rapport précise que les tronçons Genève–Lausanne, Lenzbourg–Zurich et Saint-Gall–Altstätten n’exigent pas de lignes à grande vitesse d’ici à l’an 2000 (Plan Rail 2050, Fig. 6, p. 44).

Le concept Rail 2000 visait à systématiser dans les grandes gares du pays des «noeuds» de correspondances. Le message sur Rail 2000 fut soumis par le Conseil fédéral le 16 décembre 1985. Lausanne était un nœud de correspondances aux minutes 00/30, et le temps de parcours entre Lausanne et Berne devait être réduit à 55 minutes. Le projet prévoyait la construction de quatre nouveaux tronçons: Vauderens–Romont–Villars-sur-Glâne (dont seul le tunnel de Vauderens a été réalisé à ce jour), Mattstetten­–Rothrist (réalisé), Muttenz–Olten (reporté à l’exception du tunnel de l’Adler entre Bâle et Liestal) et Zurich-Aéroport–Winterthour (projet planifié en 2024 sous le nom du tunnel de Brütten). 

Pour la ligne Lausanne–Berne, le message promettait un nouveau tronçon accéléré de neuf minutes pour les trains InterCity selon l’exigence de Rail 2000. Sur cette ligne, la mesure d’infrastructure optimale consistait à remplacer le tronçon sinueux Vauderens–Villars-sur-Glâne par un tracé plus court, permettant une vitesse de 200 km/h; le coût du tronçon de Vauderens à Villars-sur-Glâne, y compris le nouveau tunnel de Vauderens, était évalué à 300 millions de francs.

Esquisse des variantes A2 et B2 pour un nouveau tronçon à grande vitesse entre Vauderens et Villars-sur-Glâne (Rapport Bonnard & Gardel, Fig. 7, p. 19).

En 1986, durant la procédure parlementaire, les cantons du Pied du Jura obtinrent la revalorisation de leur ligne (variante «Sud plus») avec la mise à niveau du tronçon Soleure–Inkwil, permettant le raccordement de celle-ci à la nouvelle ligne Mattstetten–Rothrist. 

Le projet Rail 2000, ainsi amendé, fut adopté le 19 décembre 1986 par les Chambres fédérales avec l’octroi d’un crédit de 5,4 milliards de francs (valeur 1985). La décision fit l’objet d’un référendum, lancé notamment par les représentants des milieux opposés aux nouveaux tronçons. L’arrêté fédéral fut accepté en votation populaire, le 6 décembre 1987, avec 57% de voix.

Rail 2000 à la baisse: première étape en 2004

Une analyse globale, effectuée par les CFF entre 1992 et 1993, met en évidence l’explosion des coûts du projet Rail 2000. Ceux-ci passent de 5,4 milliards à une fourchette comprise entre 14 et 16 milliards de francs (valeur 1992), en raison de l’affinement des études, d’exigences nouvelles liées à l’environnement, de l’augmentation du trafic attendu et du fort renchérissement de l’époque. Le Conseil fédéral présente alors le 11 mai 1994 aux Chambres fédérales son «Rapport sur la première étape de Rail 2000»: le projet Rail 2000 est redimensionné pour s’inscrire dans une enveloppe de 7,4 milliards de francs (valeur 1993), soit le crédit initial majoré du renchérissement. Le rapport mentionne: 

«Le projet fondé sur les noeuds de correspondance peut être réalisé, ce qui permet de notables améliorations de l’offre. Les noeuds de Zurich, Bâle, Berne et Winterthour pourront être desservis à l’heure pleine et, pour une large part, toutes les demi-heures. Quant à Lausanne, Bienne et Lucerne, la desserte sera assurée aux minutes 15 et 45. Les correspondances dans les noeuds desservis aux minutes 15 et 45 ne seront optimales qu’au moment où les convois circuleront à la cadence semi-horaire. Cela ne sera entièrement réalisé qu’à une date ultérieure. Malgré tout, on pourra en partie assurer de meilleures correspondances que ce qui était prévu initialement.»

L’Arc jurassien obtient l’égalité des temps de parcours entre la ligne du Pied du Jura et celle du Plateau et l’introduction de trains ICN (InterCity-Neigung, InterCity pendulaire) à caisse inclinable; le raccordement de Bussigny permet une liaison directe entre la ligne du Pied du Jura et Genève; le doublement de la voie entre Onnens et Gorgier-St-Aubin est confirmé, alors qu’il est reporté sur le tronçon Gléresse–Douanne (projet en réalisation en 2024). 

Sur la ligne Lausanne–Berne, le projet se limite à la construction du nouveau tunnel de Vauderens. 

La 1ère étape de l’horaire Rail 2000 est mis en service le dimanche 12 décembre 2004 avec l’ouverture du nouveau tronçon entre Mattstetten et Rothrist.

Le mirage des trains pendulaires

Dès 2004, l’OFT et les CFF envisagent de réduire le temps de parcours entre Lausanne et Berne avec du matériel roulant à caisse inclinable en lieu et place des corrections de l’infrastructure. Cette proposition est retenue dans le message du 17 octobre 2007 du Conseil fédéral sur la vue d’ensemble du FTP (financement des projets d’infrastructure des transports publics). Quelques extraits du message montrent aujourd’hui les «errements» du programme proposé:

  • «Les temps systémiques seront abrégés d’un quart d’heure entre les noeuds de Lausanne et Berne, Bienne et Zurich ainsi qu’entre Zurich et Saint-Gall. Entre ces villes, ils dureront désormais une heure, c’est-à-dire que le temps de parcours proprement dit durera un peu moins d’une heure. Ces mesures permettront d’augmenter sensiblement l’attrait de l’axe est-ouest en tant que colonne vertébrale du réseau ferroviaire suisse.»
  • «De manière analogue à la première étape de Rail 2000, la réduction des temps de parcours implique diverses mesures à prendre. Dans la mesure où cela est judicieux, il convient d’utiliser des trains à caisses inclinables et des véhicules longues distances modernes qui permettent de meilleures accélérations et un changement plus rapide des voyageurs (selon l’idée «la technique prime le béton»).»
  • «Entre Lausanne et Berne, il est prévu de réduire le temps de parcours à une heure grâce à des trains rapides qui ne s’arrêteront qu’à Fribourg.»
  • «La première étape de Rail 2000 a permis de réaliser la section Vauderens–Siviriez (le tunnel de Vauderens) sur le nouveau tronçon (NT) prévu entre Vauderens et Villars-sur-Glâne. La ligne Berne–Lausanne permet désormais la circulation de voitures à deux niveaux et le temps de parcours a pu être réduit à 66 minutes. La réalisation du nouveau tronçon Siviriez–Villars-sur-Glâne permettrait d’amener le temps de parcours systémique entre Lausanne et Berne en dessous de 60 minutes avec du matériel roulant conventionnel. Il serait possible alors de faire circuler des voitures à deux niveaux sur les lignes Genève–Berne–Saint-Gall et Genève– Berne–Lucerne. Le projet ZEB renonce au NT Siviriez–Villars-sur-Glâne pour des raisons financières. Le temps de parcours Berne–Lausanne sera réduit à l’aide de trains pendulaires et de redressements de courbes entre Siviriez et Romont. L’utilisation de trains pendulaires permet d’amener le temps de parcours systémique Lausanne–Berne en dessous de 60 minutes dans le trafic longues distances.»

Un montant de 250 millions de francs est retenu dans le programme ZEB (zukünftige Entwicklung der Bahninfrastruktur, développement futur de l’infrastructure ferroviaire) pour les mesures de renforcement de la voie sur la ligne Lausanne–Berne en relation avec l’introduction de trains inclinables. 

Le programme sur le développement de l’infrastructure ferroviaire (programme ZEB) est accepté par les Chambres fédérales le 20 mars 2009. Les CFF décident en 2009 de construire des trains à compensation de dévers à deux étages (gain potentiel de 15% de temps en courbe par rapport aux trains conventionnels). La commande est adjugée en 2010 à l’entreprise d’origine canadienne Bombardier, rachetée ultérieurement par Alstom. Les trains, baptisés Twindexx, sont équipés de bogies à compensation active de roulis dits WAKO (de l’allemand Wank Kompensation). 

2022: fin de la pendulation

La mise en service des trains Twindexx se révèle très difficile. Le 1er juillet 2022, les CFF annoncent renoncer à l’utilisation de la technique de compensation de dévers sur ces nouveaux convois. C’est ainsi que plus de 15 ans ont été perdus…

En décembre 2023, le train InterCity le plus rapide entre Lausanne et Berne couvre cette distance en 66 minutes, y compris une minute d’arrêt à Fribourg. En décembre 1946, soit pratiquement huitante ans auparavant, le même train couvrait la même distance en 76 minutes!

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